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4 déc. 2011

DAKAR le 13 mars 2010

« Les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent.  Pour partir, cœur léger, semblable au ballon,  De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,  Et, sans savoir pourquoi, ils disent toujours :
Allons!                         (Charles Baudelaire)

ALLONS… C’est ainsi que débute mon carnet.

Allons à la Banque!  Nous avons en poche, 36 000 francs du Gabon (90$) et c’est impossible de payer en francs gabonais qui sont des CFAO.  Ici de sont des CFA.  Il faut donc les échanger.   Mercredi matan, étant donné que monsieur est libre jusqu’à 15 heures, l’activité du jour sera d’aller à la Banque, et elle se trouve sur la rue Assane N’Doye à deux pas d’ici :   Allons-y!


TOURÉ LE TAXIMAN ET LE BANQUIER

Dire « allons-y » est chose simple.  Le faire l’est beaucoup moins.  Il y a toujours la junte des « wallmarts ambulants » qui nous assaillent à tous les 10 pas et qui nous abordent : « Française? » jusqu’à l’invite  « à la fabrique là-bas ».  Il y a aussi les Taximans qui voudraient bien nous conduire quelque part.   Mais c’est à la Banque que nous allons et à pied.

Dès que j’ai mis un pied en dehors du mur du Novotel, après l’offre de la carte orange, voici qu’un taximan se pointe :  Taxi?   - Non merci, nous marchons!   Il insiste :  – 3 000 francs pour 30 minutes, et ça c’est à cause de madame.  On refuse.  Refuser n’est pas simplement dire « non merci ».  Il y a tout un baragouinage pour expliquer le « non merci ».  Heureusement que Miss Dakar a dubagou.  Ahhhh pi on se laisse gagner et  change d’idée :  – Tu peux nous amener à la Banque?   - Allez viens!  Et le taximan se dirige vers sa vielle baraque toute bosselée, au bord de la ruine et qui jadis dans ses beaux jours était une Toyota.  Mais elle avance encore.


D’abord les présentations :  Moi je suis TOURÉ et toi?  - Je suis Suzanne  - Je suis André.  Ahhhh madame Suzanne elle est vraiment « torop » gentille, c’est pour ça que je fais bon prix. 
Il m’ouvre la porte, je prends place sur ce qui autrefois était un siège, mais réussis tout de même à me faire une place.  Il défends à monsieur d’ouvrir sa porte :   Attends!  C’est lui qui ouvre la porte à monsieur.  Du service du genre, on en a plus du tout « au pays ».

Nous voici donc en route pour la Banque.  Enfin, nous pensons que nous sommes en route vers la Banque.  Tourne à gauche, tourne à droite, passe la Place de l’Indépendance, prends une grande rue et pi de petites rues, et pi nous nous retrouvons dans un fouillis de bazar et petites « bitiks » (lire boutiques), d’hôtels minables, de vendeuses de brochettes, et bricoles de tout genre, bref, nous sommes très loin de la Banque « à deux pas du Novotel ».  Mais nous avons tout compris.

Le taximan s’arrête, hèle un Sénégalais, lui explique en wolof ce que veulent les deux blancs derrières.  C’est Le Banquier!  Le Banquier ouvre la porte du taxi, prends place, ferme la porte.  Ma parole c’est comme si nous étions à faire un deal de  dope?  Et il dit :  10 000 francs c’est 7 500 francs, tu as combien?  - 36 500 francs.  Il sort sa calculatrice, et nous montre le chiffre  27 000.  Pour être bien certain que le banquier sait compter, A. demande la calculette, refais le calcul, et oui c’est bien 27 000.  Comme nous  n’avons pas le choix :  Marché conclu!  36 000 au Banquier et 27 000 aux blancs.  Et je donne le billet de 500 francs à TOURÉ qui le prend, le bise,   le porte sur son cœur et dit :  Ahhh ça c’est souvenir de Madame Suzanne.  Décidément Miss Dakar semble bien aimée!

Le deal effectué, nous demandons à TOURÉ de nous montrer où est l’hôtel Farid.  C’est là que R. habitera.  R. c’est celui qui fera le contrat avec A.  Il est arrivé hier soir, A. veut lui laisser un message.  En deux tours, trois mouvements;  10 minutes plus tard  TOURÉ nous débarque drette devant la porte du Farid.  Oh la la, disons que ce n’est pas ici que je logerais.  Juste voir la rue me fait peur et pi la réception encore plus, il y a des odeurs qui me font fuir ce genre d’hôtel 3*.  Mais R il veut empocher et le Farid c’est beaucoup moins cher que le Novotel.  Le message écrit et donné au réceptionniste,   nous allons manger.

- TOURÉ, on a faim, tu connais un endroit où l’on peut manger un bon charwama?  Aussitôt dit, aussitôt fait :   Touré nous débarque drette à la porte de La Galette.  Ça alors, j’avais lu sur Internet que ladite Galette était incontournable.  On y mangerait, selon les internautes qui y sont allés,   les meilleurs chawarmas de Dakar.  Me voici donc à commander 3 chawarmas et 2 cocas light.   Hé oui, un pour le taximan.  6 250 francs.  – Vous êtes torop sympa que me dit le Libanais qui semble de propriétaire.  Et ils avaient bien raison les internautes, un régal que la torop sympa déguste dans le Taxi de Touré. 

Oupssss ça fait plus de 30 minutes qu’il nous conduit. Et je lui dis que c’est certainement l’heure de rentrer, sinon, la facture va monter.  – Non non, c’est parce que c’est madame, c’est toujours 3 000 francs.  (cé pratique être la torop sympa madame, ça coûte moins cher à monsieur, enfin concernant les tours en taxi du moins…ha ha).      –Touré,   Tu peux passer devant La Présidence?  - Mais bien sûr et parce que c’est madame, il n’y a pas de problème!  Et passe devant La Présidence et ALLONS à la maison et donne 4000francs à Touré. 

IL FAUT AUSSI TRAVAILLER

Aujourd’hui le travail a commencé.  Parce que depuis notre arrivée, monsieur n’a pas fait grand chose que d’aller à deux rencontres, et ce à 15 heures l’après-midi.   Très content, il a quitté le Novotel ce matin 8 h 45.  – Enfin je vais travailler dit-il.   Alors c’est la première journée solo à Dakar pour la torop sympa.  Je n’ai pas l’intention de rester planter dans ma chambre, où de faire de la chaise longue jusqu’à 15 heures.    Allons bravement faire un tour!

Première sortie solo

Si je sors par la porte principale, c’est le cauchemar quotidien, me faire harceler par la junte du centre-ville.  Je vois souvent les touristes sortir par la porte du jardin et de la piscine;  celle qui donne sur le boulevard de La Corniche.  Je décide donc de prendre ma marche matinale au bord de mer pour en avoir fait un p’tit bout dimanche, je sais que c’est magnifique.  À plusieurs endroits, on se croirait sur la Côte D’Azur.  Les bougainvilliers sont en fleurs, et c’est tout à fait splendide!  Allons donc sur la côte d’azur dakaroise!


Je me dis que par la gauche, j’aurai la paix et que je pourrai prendre des photos en paix aussi.   Je longe le trottoir, et soudain j’entends un gendarme qui me fait de grands signes  « Madame la canadienne, tu dois aller-contresens des voitures, c’est plus sécuritaire ».  – Merci, me voilà donc en sécurité que je lui dis.  – Ah mais je suis là pour ça! 

Et qu’est-ce que j’entends?  - Française?  (Ah bin meeeeerde)  Je réponds : - Non Canadienne, et s’il vous plaît, je prends ma marche de santé tranquille! Merci!  Ouf!  Il me laisse tranquille.  Je ne fais pas 10 pas… - Bonjour, c’est moi l’autre jour que tu as vu devant l’hôtel.  Et oui, je le reconnais, c’est PACO le petit vendeur d’artisanat, qui tient un kiosque avec son oncle (dit-il), tout juste devant la porte de sortie du boulevard.  -  Oui, oui, je te reconnais, tu vends des trucs fait avec des ailes de papillons.

Mais lui, il est vraiment charmant avec son grand sourire.  Pas trop insistant ni harcelant.   Je sais bien qu’il veut aussi m’amener « à la fabrique là-bas » (lire la crisssssse de fab.) il me l’a offert, le premier jour, mais quand même, je ne lui dis pas de me ficher la paix.  Je lui raconte que « je suis Gabonaise » que l’Afrique « je connais » et c’est ainsi que Paco m’accompagne, tout le long de mon heure de marche.

Mais je n’échappe pas à l’invitation :  à un moment donné il veut monter l’escalier, une vingtaine de marches,   celles qui nous mènent  à la Place de l’Indépendance, parce qu’il y a une « exposition d’artisanat des femmes » et que « ça se termine AUJOURD’HUI » et que je pourrai prendre de belles photos.  Il me fait penser au vendeur de chaussures chez-nous, plus précisément chez Aldo qui disent tout le temps : - c’est la dernière paire de cette pointure-là!  –Non merci Paco, je ne vais nulle part ailleurs que faire ma marche matinale et ça sera ainsi pendant deux mois.  Les visites, je les fais avec MONSIEUR.  Je retourne à l’hôtel!

Avant de rentrer dans « ma cage dorée », son oncle m’invite à entrer dans le kiosque :  - Juste pour le plaisir des yeux!  Ah la la, je connais la fameuse formule « juste pour le plaisir des yeux ».  Elle veut surtout dire que si tu mets un pieds dans la bitik, té foutu, c’est juste pour le plaisir d’acheter.  (Soupir)  Qu’est-ce que je fais?   Je reste cimentée sur le trottoir et je regarde!  Et je dis : - Des bibelots en ébène, en bois rouge, en tek, j’en ai en pagaille.  Et je lui baragouine ma vie de bourlingueuse dans mon Afrique chérie. 

Marcel Proust écrivait :  « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux »

C’est ce que je fais au Kiosque de Paco et son supposément oncle où je suis « juste pour le plaisir des yeux ».  Oh surprise,   me voilà juste un pied dedans à négocier deux figurines pour le mur de ma maison.  Si j’achète, il me laissera tranquille pour le reste du séjour?   Mais c’est aussi ce qu’elles représentent qui m’a donné de nouveaux yeux.   Les deux figurines une masculine et l'autre féminine, ont une signification, dépendant de leur position:  les deux face à face, c'est l'harmonie dans la maison.  La féminine en haut et le masculin en bas, c'est la domination féminine dans la maison et vice versa si c'est le masculin en haut.  Et les deux à dos, ça va pas du tout dans la maison.  Je sais déjà la position dans la mienne.  Devinez laquelle?  « la torop gentille de Dakar » a son idée en tête! 

Combien?  20 000  - ah non c’est torop cher!  - tu donnes combien?   Je te donne 5 000 pas plus.  Et là une inondation de palabres pour en venir au prix final : - Allez ajoute 1000 parce que toi tu es torop gentille.  Je veux me débarrasser de ce « plaisir des yeux » et je sors les 6 000.


TOROP et BITIK

Avez-vous remarqué au fil du récit, j’écris souvent « torop » à la place de trop?    C’est qu’ils prononcent ainsi, en appuyant sur le TO…rop.  Vous m’entendez donc appuyer sur le To…rop moi itou!  De même pour « bitik » à mes oreilles, ça sonne ainsi quand on me parle de boutique. 

MADAME NON MERCI

Je vous ai dit que j’allais à tous les jours au supermarché Casino, et qu’à tous les 10 pas, sors de ma bouche :  Non Merci! Des milliers de fois.   Hé bien voilà que plusieurs vendeurs ambulants m’appellent ainsi maintenant : Bonjour madame non merci!  Ou parfois c’est « celle qui a un grand sourire » ou parfois c’est « la canadienne qui a un grand sourire ».  J’ai donc demandé à Paco comment on dit merci en Wolof?  Djere’Djeuf!  La prochaine fois que j’affronte la junte de vendeurs, je ne dis plus merci.  Je parle Wolof maintenant.  Enfin, je sais UN mot.  LE plus important! 

A beau mentir qui vient de loin

Je n’ai pas dit « Non djeredjeuf » en prenant ma marche l’autre matan.  Mariama Thiam, couturière, tient une bitik en plein air juste au bord du boulevard et  vous voyez sur la photo, c’est vraiment très coloré.  


Comme toujours, voilà qu’une jolie robe bleue en batik me saute dessus.  Je n’ai pas le choix, je dois absooooooolument la porter pour aller à la piscine.  

Après des salutations, et les palabres habituelles, passons à la chose sérieuse :  Combien?  -  10 000  - Ah mais tu sais combien je paye au Gabon?  - Tu es Gabonaise?  -  Oui j’habite à Libreville et là-bas je paye 3 000. (A beau mentir qui vient de loin, je paye 4 500) – Allez donne 3 000 et comme tu es torop gentille, je te fais cadeau d’un bracelet.  Tu choisis.  Et la menteuse de Libreville P.Q. choisi dans le tas de toutes les couleurs,   un joli bracelet noir jaune lime qui va très bien avec sa jolie robe bleue.

Et c’est ainsi que les jours passent et que ça fait une semaine que nous sommes à Dakar.  Nous aimons beaucoup!  Et nous ne sommes pas les seuls.  Le Novotel fait de très bonnes affaires.  À tous les jours débarquent d’un gros BUS de Touristes, parfois des Allemands, des Français, des Belges, et des je ne sais qui et qui ont un accent bizarre.  Je les vois défilés comme des chèvres, et  je me dis que je serais incapable de faire des « Tours Voyageurs ».  Embarque et débarque d’hôtel en hôtel?  Non djeredjeuf!!!  Monsieur et moi sommes torop « sauvages » pour voyager en groupe. 

Je préfère ma vie d’Assistante Consultant et d’Ange Gardien de l’Expert.  Nous vivons comme « à la maison » de ville en ville de pays en pays.  Et à chaque place, toujours la même question :  Vous  avez visité ceci ou cela?  NON, nous ne sommes pas ici pour visiter.  Nous ne sommes pas des TOURISTES.   MON MARI, il travaille et ne visite pas.  

J'ai mentionné un cadeau reçu d'un vendeur ambulant, duquel nous avons acheté 4 tableaux pour les "4 femmes de monsieur".  Mon ami Paco m'en a appris un peu plus.  Ils sont fait avec du sable.  

J'affirme que nous ne sommes pas des touristes.  Sauf peut-être un samedi, nous avons comme projet de visiter l’Île de GORÉE.  On dit que c’est LA place à visiter : « un panorama superbe qui évoque étonnamment le charme tranquille des villages méditerranéens ».  Il ne m’en fallait pas plus pour me convaincre de nous déguiser en touriste pour une journée.  À suivre.

Entre temps, nous sommes très bien acclimatés.  J’ai demandé à la ménagère de faire la chambre tôt le matin, parce que je n’aime pas la voir en désordre quand « je travaille ».  Oui Oui je travaille pour écrire mes carnets.  Pendant que je travaille,  Khadime me réserve ma place spéciale à la piscine :  



deux chaises, sous un parasol qui est sous deux palmiers et c’est la place la plus intime de ma salle de séjour.  Et Paco m'attends pour marcher.  

Que demande le peuple?  Comme le dit si bien mon amie Pauline.  

Je vois que j’ai assez travaillé.  C’est l’heure de ma marche!
Et ce matin, changement à ma routine,   c’est un homme qui fait le ménage de la chambre.