Je ne parle pas
« canadien » qu’il m’a dit le marocain qui est venu terminé son café
à ma table, au petit déjeuner. Je devrais plutôt dire l’hurluberlu qui a
pris son café à ma table ce matin.
Qui est-il?
Depuis que j’habite ici,
je l’ai vu à quelques reprises. Le soir au Barbecue par exemple et au
petit déjeuner aussi. Il vient, il part, il revient et repart. La plupart
du temps il est accompagné d’une « jolie demoiselle » du Niger.
Ce matin, il est seul à sa table. Dès que je suis rentré il m’a dit, non,
je devrais dire il a crié de sa table - Madame, je te vois à la
piscine, toujours la piscine ! Je lui jette un regard mais ne
dit rien. Il cri encore plus fort.
- Je te vois, à
10 heures et tu es sur ta chaise longue. Tu te fais bronzer et tu fais la
lecture et je te vois échanger avec le Maître nageur bla bla bla, bla bla bla,
bla bla bla. Enfin, il défile dans les moindres détails,
tout ce que je fais depuis que j’habite ici. Et les petites-déjeuneurs du
restaurant en sont témoins.
– Vous m’épiez ?
- Ah mais je suis à la
fenêtre de ma chambre et je vous regarde. (Et avec ses mains il dessine un
corps bien moulé.) Des jours j’ai eu envi de vous saluer de ma fenêtre.
Il a un accent très prononcé
que je reconnais très bien. Il est arabe voire marocain etje mangerais ma
tasse si il n’en était pas un.
Il me demande si je veux
une Omelette espagnole, comme celle qu’il mange. –Je te l’offre.
Je lui dis que je préfère mes Toasts. Que je commande à Amadou. Deux
Toasts. Ce dernier voit bien que je suis prise au dépourvu par ce drôle
de pistolet. Alors il vient à ma table et me dit - C’est un
client, il fait trop la fête. Je viens donc de comprendre
l’exubérance du personnage. C’est un oiseau de nuit et elle vient de se
terminer « sa nuit ». Mais que fait-il au Niger ?
Il est assis de l’autre
côté de la table du Buffet. Je vois qu’il fait tout pour que je le
regarde. Je fais tout pour ne pas le faire. Je garde le nez dans
mon assiette. Soudain, le marocain qui a fêté toute la nuit, vient me
demander si il peut prendre place, en déposant sa tasse d’expresso sur ma
table. Il m’offre d’en prendre un avec lui. Je le remercie, je
préfère un café au lait.
Ça y est, je sens qu’il va
me draguer !
Je suis quand même
rassurée. Je vois que tous les Serveurs « me tchèquent » pendant que
l’hurluberlu me fait la conversation. Je dis hurluberlu parce que sa façon de
se comporter est des plus extravagantes. Et il parle très fort.
- Ça fait dix ans que je
vis ici.
– Vous travaillez
ici ?
- Non je demande la
charité et on m’offre le couvert.
- Et vous faites quoi de
vos journées à part m’épier de votre fenêtre ?
- Je fais beaucoup la
fête. Je voyage beaucoup. Au Burkina, Guinée, Sénégal. Bla bla bla,
bla bla bla,
Enfin, je vois qu’il me
barratine n’importe quoi, ce qui ne me dit rien sur lui réellement. Quand même,
il est pas mal, je dirais qu'il approche la quarantaine, bien
« friqué » comme on dit ici pour bien vêtu. Il a une Rolex au
bras. Il s’adresse aux Serveurs comme si c’était lui le propriétaire du
Gaweye. Il connaît tout le personnel et je vois que tout le personnel le
connaît aussi. Malgré mes questions, je n’arrive pas à savoir ce qu’il fait
vraiment dans la vie.
Et il
te drague ? Mais bien sûr qu’il le fait. Vous connaissez un
arabe-marocain qui ne le fait pas quand une jolie femme (présomptueuse La
Boutique ?) est assise toute seule à une table dans un
restaurant ? Je l’ai même vu vérifier le numéro de ma chambre, puisque
la clé est sur la table, et on le voit très bien « en gros ».
Il me dit, entre autres :
- Et
ton mari il n’est pas jaloux ?
-
Mais pourquoi le serait-il ?
– Une belle
femme comme toi, toute seule à l’hôtel et toute la journée… bla bla
bla…..
Je
sens que vais devoir m’éclipser en douce du restaurant à la fin de cette
« rencontre » de peur qu’il me suive. Mais avant, testons encore le
personnage ?
-
Vous êtes marocain ?
- Ah
tu as vu que je suis marocain. Tu connais le Maroc ? - Oui,
très bien. - Tu connais Mohammedia ? Oui j’ai mangé au resto sur le
bord de la mer, je ne sais plus comment il s’appelait. Je connais mieux
Casablanca.
Bon,
ok, je ne vais pas tout écrire la conversation. Elle a durée quoi. Passons
toute suite à LA question :
-
Vous êtes françaises ?
-
Non je suis canadienne
- Ah non, ce
n’est pas vrai. Tu n’as pas l’accent canadien. Les canadiens ils parlent
pas comme vous. « Tabarnak, hostie ! » ( les baguettes en
l’air) et répète encore….
Désolation à
la table #20. Tabarnak, hostie, câlisse ? C’est ça que nous
laissons comme « image » à l’étranger ? C’est ce qu’il reste de
« nous » ? C’est pourtant bel et bien ce que j’entends ce
matin et que j’ai entendu je ne sais combien de fois dans mes voyages. Ça
m’écoeure royalement ! Hostie ! J Lol
Alors
je dis à celui qui ne cesse de prendre plaisir à sacrer, puisqu’il répète
encore et encore « tabarnak, hostie d’câlisse cé pas d’même que ça
marche ». Je lui dis :
- C’est tout
ce que vous avez retenu des québécois que vous avez connus ? Vous avez
rencontrez que les brutes, ce sont qu’eux qui parlent comme ça.
-
Mais non, j’ai entendu ça de la bouche des Ingénieurs dans les Mines.
Ah ?
Ingénieur ? Mines ?
Après
avoir tenté de le convaincre que les canadiens français ne sont pas tous des
brutes, il persiste à me dire que je suis française. Il me demande de le
lui prouver, que je suis canadienne. Que lui dire ? Je
cherche. Non seulement que lui dire, mais comment le dire. J’ai
perdu mon accent ? Ouais, un peu. Je lui dis même ça, que
c’est « par déformation professionnele que j’ai cet accent ».
Sur la table il y a mon petit sac dans lequel je mets mon iPhone, rouge à
lèvres, etc. Alors je m’applique bien à le dire le plus « ticoune »
possible :
-Tu sé
tu commin on appelle çaaa un naffffaille de maême ? Onnnnappelle çaaaa un
sacooooche.
Et je
le dis très vite. Et il n’a rien compris.
- Ah
mais non, tu imites bien là. Tu es française. Tu parles vraiment
pas canadien.
- Et
bien tu as raison, j’imite bien les canadiens !
Je le
laisse faire son cinéma. Là, il a fini son café. Moi aussi. Je ne
veux absolument pas prendre l’ascenseur avec lui. Absolument pas.
Je me lève donc avec ma tasse, lui montrant que je vais m’en chercher une
autre. Ma troisième. Et je lui dis - Bonne
journée !
Je
suis chanceuse, deux jeunes femmes sont assises pas loin de ma table.
L’Hurluberlu va donc tenter de les séduire. Ça n’a pas marché à la Table
20.
Comme
je n’ai pas réussi à savoir qui il est vraiment et que ça m’intrigue, en
signant la facture, je demande au Maître D : Qui est-ce ?
- C’est
un bon client. Il travaille dans les Mines d’OR. Il a beaucoup
d’argent. Ça fait dix ans qu’il loge ici quand il est à Niamey.
J’étais
certaine qu’il avait du pognon. Juste à le voir commander et donner ses
ordres à tout le monde. Et à se faire servir comme si il était le Roi du
Maroc. J’étais certaine que l’hurluberlu était bien nanti.
Je
croyais m’en être débarrassé. Hé bien non. À 10 heures, je regarde
par ma fenêtre si « mon spot » est bien préparé par mon tout charmant
Yao. Qui vois-je ? La « Mine d’OR » qui est assis
sur une chaise longue de la piscine. Putain ! Il va encore me
déranger ?
Peut-être
pas. Il y a des jeunes femmes avec lui. Dont une juste à côté de
lui. Me sauvera-t-elle ? OUI. Je suis descendu, je ne
suis pas passé devant lui mais de l’autre côté de la piscine. Et ne l’ai
pas regardé. Enfin, avec mes verres fumés je le faisais. Juste pour le
voir faire avec les Nigériennes. Et commander ses bières.
De 10
heures à 11 h 45, il a bu 7 bières. Et il a fait « suer » à peu
près tout le personnel en poste à la piscine. Le Barman surtout.
J’ai
donc eu la paix pour ma dernière matinée sous ma Paillote.
Amen !