Le moindre petit
événement nous fait peur.
Comme ce matin par
exemple.
Nous sommes à bord
du 4X4 Toyota de notre Chauffeur, KUNTA.
Comme chaque samedi matin 10
heures, nous allons au Supermarché. À un
carrefour, il y avait quatre Gendarmes, dont deux en moto. Tous armés.
Un fait signe à KUNTA de se garer.
Ça y est ! Qu’est-ce qu’il va nous arriver ? On le sait, c’est ainsi que les kidnappings
se font. Des faux contrôles quoi. Je l’ai vu sur France24. Est-ce notre tour ?
– Papiers ! Qu’ordonne un Gendarme. (On se croirait à Libreville ?) Et KUNTA qui cherche dans sa boîte à gants
les papiers. Et il cherche encore. Et il trouve. Il sort du 4X4 pour aller discuter « du problème »
j’imagine. Lequel ? C’est la question que la dame assise en
arrière se demande. Comment faire
autrement avec tout ce qui se passe autour de nous ?
Pendant que KUNTA
discute avec ce qui semble le Chef, parce que son costume n’a pas la même
couleur (et il a la Kalachnikov avec lui), les trois autres font le tour du
véhicule. Aucun ne sourit, ils ont
« une face de Beu » comme
on dit chez-nous. Je suis assise en
arrière et A. en avant. Une des faces de Beu se pointe dans ma fenêtre
et me regarde, droits dans les yeux. Je
ne sais trop que faire. Je lui
souris ? Je ne le regarde
pas ? Je lui jette un regard
suppliant ? Je me
sauve ? J Je
l’ai aussi regardé droit dans les yeux et lui ai dit gentiment – Bonjour. Sans réponse. Il a
continué son tour de la 4X4 et vérifié à chaque fenêtre l’intérieur du 4X4. Je me sens toute petite.
Par la fenêtre
arrière, je vois mon cher KUNTA, un peu plus loin, il est debout devant un gros
baril en métal avec LE Capitaine Chef et ce dernier me semble remplir une
grande formule, sur le dessus du baril qui est certes « son bureau ». Mais je vois aussi que KUNTA a l’air bien calme. Il ne semble pas y avoir d’histoire, pour le
moment en tout cas.
La question qu’on
se pose à Libreville ; est-ce que
le Chauffeur devra payer une rançon? On
se la pose à Niamey en ce moment. A. prépare 5 000 francs au cas où. Aussi bien donner le maximum. À Libreville 2 000 c’est suffisant. Enfin, dépendant de la journée et surtout si
c’est la fin du mois. On ne connaît pas
les règles de Niamey. Enfin, les règles
que nous connaissons font plus peur qu’autre chose. On peut disparaître le temps de le dire. Alors on attend KUNTA. Très impatiemment. Et il
revient. - Et
puis ? On t’a fait payer ?
- Non Non,
c’est parce que j’avais coupé quelqu’un là.
Il m’a donné un avertissement. Je
ne vais pas payer. Ne t’inquiète
pas.
Pendant que nous
faisons nos achats au supermarché, KUNTA s’offre pour faire nos achats de
pommes et oranges dans le petit marché à côté.
– Moi je vais avoir de meilleurs
prix et il faut être prudent. Chez
Hadad, un kilo de pommes coûte 7 500 francs,
alors que KUNTA les achète à 1 500 le kilo et pour les pommes et pour les
oranges.
Je l’aime bien le
KUNTA. C’est un vieux chauffeur très
attentionné à son client…et sa cliente Suzanne surtout. Je le gâte comme je gâtais Moussa. Alors, à chaque fois, je lui achète une boîte
de gâteaux. Je sais qu’il aime ça. Lorsque je demande un sachet (sac de
plastique) pour mettre le paquet de « Madeleines au chocolat » dedans, je dis à celui qui emballe – C’est
pour le chauffeur. Il est tout
surpris.
– Pour le chauffeur ? - Oui, je l’aime bien. – Ah ça c’est gentil madame ! et il répète : Des gâteaux pour le chauffeur
Ah c’est vraiment gentil !
Je le sais ! C’est moi la plus gentille du Niger ! J
C’est samedi
après-midi. Nous sommes revenus
vivants. Il nous reste encore trois
semaines avant la fin. Je nous souhaite
toute la chance du monde ! Même
KUNTA nous dit d’être extrêmement prudent.