Dimanche,
5 mars 2017
Il y a quatre ans, jour pour jour, je me prélassais sur la très
belle plage de South Beach et le soir venu, Virginie et moi on se cuisinait un
spaghetti sauce tomates du haut de notre sublime condo « tout blanc »
au 41e étage du Brickell dans Downtown Miami. Du grand luxe durant une semaine. Comme le temps file ! Pas le cas à KIN.
Ici, plus que partout en Afrique, le temps
c’est plus que de l’espace.
Ce dimanche 5 mars, je ne me prélasse nulle
part ailleurs que sur mon fauteuil de cuir dans la 318 du Memling à Kinshasa et
dans un tout autre état qu’il y a quatre ans.
J’attends. - On fera un tour de Kinshasa dimanche.
On passera vous prendre à 15 heures nous a-t-on dit. Il est 18 heures et personne n’est encore
passé ni na appelé. À suivre…
Note 1 :
Ils sont venus à 18 h 15 : (Papa, Fils no.2 et un autre.) Nous
sommes descendu au Lobby et finalement ce n’était que pour rencontrer A. en vu d’organiser sa première journée de
travail, demain. Je me suis éclipsée,
poliment, en disant que j’étais là que pour les saluer. Vous me voyez, encore sur mon fauteuil de
cuir, à…comment dire ?
Jubiler ?
Note 2 :
A. est revenu à la chambre à 20 h
45. Nous avons mangé à 21 heures.
Ils ont le temps…nous
avons la montre !
Jamais vu ça !
Manifestement, « Jamais vu ça » !ça sera le Thème de ce séjour. Parce
que je le clame à tout moment depuis mon arrivée. Jamais vu ça, nous faire poireauter comme on
l’a fait cette après-midi. Sans même
s’en excuser. Et moi qui pensais
qu’après autant d’année à bourlinguer sur ce surprenant continent africain, j’avais tout
vu ! Je sens, je sais que ça ne
sera pas le cas à KIN.
« Je
sais »
Vous connaissez cette belle chanson de Jean
Gabin ? Je la chantais, moi aussi,
au bout de mes nombreuses années de galère.
Jeeee sais Jeeee sais !….jusqu’à ce que je vienne à Kinshasa. Je suis ici depuis 3 jours et je me dis que
je n’ai pas fini d’être estomaquée ! Et que je ne savais pas tout.
J’ai commencé à apprendre lors de notre
premier séjour en terre africaine, en
1981. Si on compte bien, ça fait
exactement 36 ans que nous
ratissons, entre autres, le magnifique
continent africain. Des situations de
tout genre, des événements, des paysages, des gens, des inconvénients, des
« bin des affaires » ….et encore et encore « de toutes les
couleurs » on en vu et revu encore.
En 1981,
premier séjour, c’était en Algérie et je savais rien. Jamais vu le désert, jamais vu de
dromadaires, jamais vu la mer méditerranée, jamais vu un homme en Djellaba,
jamais vu de femme en tchador ou voilée,
jamais magasiné dans un souk, jamais négocié de prix dans un souk,
jamais mangé de couscous ni de steak haché de chameau. Et puis ont suivi les longs séjours au Mali dans le désert du Sahel, dans la jungle de la Guinée ou au Cameroun, au pieds du Volcan Kartala aux Îles Comores. Et puis de moins longs séjours, certains répétés à plusieurs fois, soit au Maroc, Tunisie, Algérie encore, Gabon, Congo Brazzaville, Sénégal, Mauritanie, et le Mexique et le Brésil.
Mais quand j'ai eu mes 18 ans
J'ai dit, JE SAIS, ça y est, cette fois JE SAIS
Tiens, un souvenir me vient, et que je n’avais
encore jamais vu "comment ça tourne": Une femme me « garocher »
une roche, au marché de Bou Saada parce que j’étais vêtu de ma robe soleil
jaune. Je ne connaissais rien des
« règles » de « cette religion là ». Au Cameroun, en 1983, j’avais jamais entendu
une me femme me dire sur la rue
« on ne s’habille pas comme ça » parce que je portais un short
(genre bermuda) et un t-shirt. Au Maroc, en 2004, j’avais jamais entendu un
homme me dire, parce que je portais ma très jolie Djellaba « on devrait
vous payer tellement vous portez bien les vêtements marocains ». J’ai beaucoup appris sur toutes les facettes
possibles, de ville en ville de pays en pays.
Forcément, 36 ans plus tard, comme Gabin j'ai dit "JE SAIS, ça y est, cette fois JE SAIS" Je croyais tout savoir et avoir tout
vu.
J'regarde la terre où j'ai quand même fait les 100 pas
Et je n'sais toujours pas comment elle tourne !
Et je n'sais toujours pas comment elle tourne !
Gabin ne sait pas comment tourne la terre...je ne sais toujours pas comment tourne l'Afrique...même si j'y ai aussi fait les 1 000 000 de pas! Mais bon, on apprends à tout âge dit-on?
Full of Hawkers !
Avant chaque voyage, quelle que soit la
destination, je lis les commentaires sur Tripadvisor, concernant l’hôtel où je
vais loger, les restaurants qu’il y a autour, etc. Surtout les commentaires des américains. Ils
ont le « même standing » que nous en quelque sorte. Ils ne m’ont jamais trompée ni induit en
erreur. Un des commentaires a retenu mon
attention. Il disait d’abord que le
Memling était LE choix à faire pour un séjour à Kinshasa. Exact !
Il est très bien, très propre, très agréable, les chambres supérieures
très belles, aux différents restaurants on y mange bien, le personnel est des
plus attentionné, etc. LA place
quoi ! En fait bien des Coopérants de tout pays font
ce commentaire. Mais mon américain a ajouté :
« but there is full of Hawkers all
around the hotel, which is very anoying ».
Bof ! me disais-je. C’est parce qu’il ne sait pas l’américain. Full of hawkers, c’est-à-dire les vendeurs de
tout ce qui est imaginable devant l’hôtel et qui te harcèle pour que tu achètes? Je
sais ! C’est comme mon « fan club » à
Dakar, devant le Novotel. C’est l’image que je me faisais. Le Memling, contrairement au Novotel, a son
entrée principale, là, sur la rue. Pas
de parc sépare la rue de la porte.
Jean Gabin termine son refrain ainsi :
Il y a 60 coups qui ont sonné à l'horloge
Je suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j'm'interroge ?
Maintenant JE SAIS, JE SAIS QU'ON NE SAIT JAMAIS !
Voilà, moi aussi je ne savais pas la RDC Kinshasa.
Avant de partir présumant qu’on serait
probablement confiné à l’hôtel, on aurait pas besoin d’avoir en poche des
dollars US. Au besoin, on en prendrait
à une distributrice avec la carte de crédit.
Il y a toujours une « machine » dans le Lobby de grands hôtels de ce monde. Le Memling étant un 5 étoiles, forcément, il n’y aurait pas
exception.
Or, après avoir payé « un bras »
pour un lunch, à un des restaurants du Memling, on se disait que l’Allocation de A ça ne nous suffirait pas pour
manger à deux. Donc, vendredi soir, on a décidé
d’aller souper à la Pizzeria, à deux pas de l’hôtel. Il est 18 h 15, c’est sortable encore. La noirceur
commence à se pointer. Pas grave, on a
qu’à traverser la rue.
On demande à la réception - où se
trouve la distributrice ? - Elle ne fonctionne pas. - Alors
on fait quoi ? - Il y en a une
juste là-bas. (Il franchit la porte
de la réception et nous montre du doigt, le restaurant Libanais qui se trouve,
bof disons à 3 minutes de marche. À la
porte il y a une distributrice de $. -
Vous pouvez y aller. Y’a pas de
problèmes !
C’est ce qu’on a fait. Bien malheureusement, comme à l’hôtel, la
distributrice ne distribue pas. Elle est
hors service. On rentre dans le restaurant
pour demander si ils acceptent les cartes de crédit. – Désolé
c’est comptant. Putain !
Qu’est-ce qu’on fait ? On
n’a pas le choix, nous "casserons notre cochon" et on dînera à La Brasserie ou au Bar le Cockpit du Memling.
En sortant du restaurant, un congolais nous
dit que le réceptionniste l’a envoyé et bla bla bla. Il sent l’alcool à plein nez. Perso, la peur me gagne. Ça y est ! Le braquage suivra ? Les 3 minutes de marche va être très
long. Et le congolais nous suit, nous
disant qu’il est un Artiste peintre….bla bla bla…bla bla bla. J’ai très hâte d’arriver à la porte du
Memling. C’est fait. Nous y voilà. Et le réceptionniste nous dit que OUI, il a
bel et bien envoyé ce congolais pour nous surveiller, parce qu’il ne pouvait pas
quitter son poste pour nous accompagner alors il a demandé à « son
ami » de surveiller. Mais on a
toujours pas de dollars.
Son « ami » dit : - Il y
a une autre distributrice au bout de la rue, là ou se trouve le KIN
MARKET. C’est un Supermarché. Mis en confiance par le réceptionniste, nous
suivons l’Artiste peintre qui nous dirige droit devant. Moi je suis contente, ça me montrera si je peux y aller toute seule le jour. Plus ou moins 10 minutes plus tard A.
insère la carte dans la fente :
Elle est hors service aussi.
Un des gendarmes (avec sa kalachnikov) posté
devant le supermarché, nous dit que juste à côté il y en a une qui
fonctionne. Et c’est vrai. On sort 300$ US que je dépose dans mon sac à bandoulière. Mais j’ai quand même la
trouille. Il faut rebrousser
chemin. L’Artiste sait qu’on a sorti de
l’argent. Les nombreux congolais autour aussi.
Maintenant qu’on a du pognon : - Et si
on allait manger un chawarma au restaurant Libanais ? Bonne idée.
L’Artiste peintre nous dit qu’il va nous accompagner et nous
attendre. Bon, je ne vais pas tout vous
raconter jusqu’au retour au Memling. Ce
que je veux raconter c’est le « jamais vu ça » la misère de la
rue !
Tout au long de la rue qui nous amène au grand
boulevard, là où se trouve le KIN Market, on s’est fait quêter, mais comme je
n’avais jamais vu ça. À tous les 5 pas et
je n’exagère pas. Des mendiants, des
handicapés, des femmes assises par terre avec des petits dans les bras, des
hommes en haillons qui nous dit « je souffre, je suis malade,
madaaaaaaaaame il faut me donner ».
« Madaaaaaaame je n’ai rien, je n’ai pas mangé depuis 2 jours »
etc. etc. etc. etc. etc. Pire encore, ils insistent, ils te tirent la manche du
t-shirt, voire même le t-shirt et ils supplient en braillant ! Ahhh Mon Dieu! Vraiment, c’est
épouvantable. Et c’est comme ça aller et
retour de notre « promenade » à la distributrice.
J’ai JAMAIS VU ÇA DE MA VIE une telle
misère ! Et elle est là, à ma
porte. « Fils no. 1 » m’a dit que le jour c’est pire encore.
C’est bondé de jeunes qui ne foutent rien d’autre que de vendre tout ce
qui est imaginable de vendre. Je le
crois, J’ai juste franchi la porte, juste pour voir, et effectivement, il y a
réellement comme l’a dit l’américain :
FULL of Hawkers !
ET de « banquiers ».
Dans le « bunch of Hawkers » il y a
les vendeurs de pantalons, lunettes, chemises, montres, ceintures, enfin bref,
chacun a sa spécialité. Parmi ceux qui
t’achalent, il y a ceux qui ont dans la main un gros paquet de Francs
Congolais. Ils te tournent autour te
demandant si tu as des $ US. Et il n’y en a pas que un ou 2
« banquiers » il y en a des dizaines, tous postés sur le coin de la
rue de l’hôtel ET devant la porte de la
Pizzeria où nous sommes allés mangé une Pizza samedi soir. Jamais vu ça, une dame, assise sur sa chaise
en plastique, avec une grosse sacoche à côté d’elle et qui fouille dedans quand
des congolaises se présentent pour faire « une transaction
bancaire ». Jamais vu ça !
Plus le pays est pauvre, plus c’est cher !
Ici c’est le dollar américain qui
« marche ». Tout est affiché
en $ US. TOUT ce que tu payes à l’hôtel
est affiché en U$. Pour nous,
canadien, c’est très cher puisque nous devons ajouter 37% à la facture à cause
du taux de change en « pauvre » argent canadien. Plus les taxes et Plus le pourboire, les factures sont sacrément salées aux restaurants. Heureusement, le petit-déjeuner est compris dans le prix de la chambre à grand prix lui aussi.
Par exemple, vendredi midi, à La Brasserie on
a mangé un spaghetti bolognaise pour moi et une lasagne pour A. Une petite bière et une petite bouteille
d’eau. Combien pour ce lunch du midi ? 68$ À midi, au Bar Le
Cockpit : 1 petit bol de frites +
une entrée de 6 Samosas (chausson viande) + 1 petite bière Tembo + 1 petite
bouteille d’eau = 38$
Sortie au KIN MARKET
Ayant vu qu’il y avait un supermarché à moins
de dix minutes de marche, samedi matin, on a pris notre courage à deux mains et
on y est allé. Tout le long de la
marche, je regardais par terre sans jamais levée la tête pour voir en avant, à
côté, en arrière. J’entendais les
« plaintes » mais je n’y répondais surtout pas. À Dakar je dis « Non
merci » ? Pas ici. Je ne dis rien, je fonce droit devant.
Et j’en ai profité pour acheté TOUT ce que
j’avais besoin. Contrairement à mes
habitudes de sortir tous les jours, ici je n’ai pas l’intention de sortir
pantoute.
Vivement mes « quartiers
généraux » : piscine, fitness
center, Lobby, et la confortable et calme 318 du Memling !
La vie, l'amour, l'argent, les amis et les
roses
On ne sait jamais le bruit ni la couleur
des choses
C'est tout c'que j'sais ! Mais ça, j'le
SAIS... ! (Jean Gabin)